La course à pied est souvent considérée comme l’activité sportive par excellence après la naissance de bébé, considérant l’horaire souvent irrégulier des nouvelles mamans. En plus de ses bienfaits au niveau cardio-vasculaire, elle permet de sortir de chez soi : pour certaines, c’est s’accorder un moment de socialisation, pour d’autres ce sera un moment pour soi. Elle contribue également à la gestion du stress en se faisant du bien physiquement et mentalement.
Toutefois, il importe de commencer ou de reprendre la course en toute sécurité pour le corps, particulièrement après un accouchement, qu’il soit vaginal ou par césarienne, et ce, que l’on soit une coureuse d’expérience, de performance, récréative ou une nouvelle initiée. La science rapporte que 41 % des femmes athlètes élites présentent de l’incontinence urinaire.1,2 Dans de récentes études portant sur l’incontinence urinaire chez les femmes athlètes3,4, les femmes pratiquant des sports d’impact élevé, tels la course, encouraient 3 à 4,5x plus de risque de développer des dysfonctions des muscles du plancher pelvien que celles pratiquant des sports d’impact léger. Une revue systématique de 20185 rapportait que les femmes athlètes avaient 177 % plus de risque de présenter de l’incontinence urinaire que les femmes sédentaires.
Le plancher pelvien est un ensemble de muscles et de tissus situé à la base du bassin, s’étendant du coccyx à l’arrière jusqu’au pubis devant. Les muscles du plancher pelvien possèdent différentes fonctions, notamment la continence (urine, selles, gaz), le support des organes (vessie, utérus, rectum), la fonction sexuelle et la stabilité pelvienne. Ils représentent donc les muscles-clés dans la continence et agissent comme un support à l’augmentation de la pression intra-abdominale et des impacts comme par exemple lors de la toux, de l’éternuement, d’un éclat de rire, d’un soulèvement de charges, des sauts et de la course.
Il est donc important d’avoir un plancher pelvien fort, endurant et fonctionnel, particulièrement pour la course à pied compte tenu d’une cadence moyenne de 180 pas/ minute, ce qui peut représenter près de 10 000 pas/ heure. La course impose un stress important sur le plancher pelvien et celui-ci doit être prêt à le recevoir.
La grossesse et l’accouchement apportent de nombreux changements pour le corps, changements importants à considérer, particulièrement chez les femmes désireuses de reprendre la course à pied après l’accouchement :
Ils subissent eux aussi un étirement important et soutenu pendant la grossesse. Cet allongement marqué peut provoquer une diastase, soit une séparation des muscles grands droits. Il s’agit d’un étirement de la ligne blanche (structure qui tient les abdominaux au centre). Elle peut persister après l’accouchement. Les abdominaux, et plus spécifiquement les abdominaux profonds (le transverse abdominal) ont un rôle important pour la stabilité et la compétence de la région thoracique, lombaire et pelvienne.
De nombreux articles scientifiques font état des différentes problématiques pouvant être rencontrées en période post-natale.
Modifications de la biomécanique de course8:
La plus récente étude9 portant sur les femmes coureuses ayant accouché vaginalement fait état de :
On pense souvent, à tort, qu’un accouchement par césarienne va préserver le plancher pelvien et prévenir les problèmes d’incontinence et de descente d’organes. Le poids de bébé durant la grossesse peut provoquer un étirement des ligaments qui supportent les organes (vessie, utérus, rectum) en plus de provoquer une forte pression soutenue sur les muscles du plancher pelvien. Par ailleurs, si la césarienne a été effectuée une fois le travail amorcé, ces mêmes ligaments et muscles vont subir un étirement excessif suite aux fortes pressions des contractions et des poussées.
Ajouté à cela la chirurgie, le surpoids et la constipation fréquente pendant la grossesse, il en résulte par conséquent une surcharge pour le périnée. Par ailleurs, les adhérences qui peuvent se former au niveau de la cicatrice de la césarienne peuvent causer de la douleur, des restrictions et avoir un impact sur la fonction des structures, des tissus et des muscles adjacents, en particulier les muscles abdominaux, et causer des problématiques sur les systèmes digestif, urinaire, gynécologique et musculo-squelettique10.
Il est donc impératif d’entreprendre pour toute nouvelle maman une rééducation post-natale optimale des abdominaux et des muscles du plancher pelvien afin d’éviter des problématiques telles l’incontinence, les descentes d’organes, les dysfonctions sexuelles et les douleurs lombo-pelviennes, tel qu’évoqué précédemment. Et d’autant plus pour la maman coureuse.
La nouvelle maman a besoin d’une période de récupération suffisante et adéquate afin de laisser le temps aux tissus et muscles vaginaux et abdominaux de se rétablir mais également de ré-entrainer tous les muscles –clés de la course afin de retrouver leur force, leur endurance et leur tonicité. Selon les évidences scientifiques, il faut de 4 à 6 mois aux muscles, tissus et nerfs afin de récupérer leurs qualités respectives6. Après une césarienne, il est connu qu’il faudra minimalement 6 mois au fascia abdominal pour récupérer 73% à 93% de sa force tensile11.
Les nouvelles mamans sont souvent pressées de reprendre la course, mais ce n’est pas chaque maman qui pourra recommencer rapidement et au même rythme qu’avant la grossesse. Bon nombre de coureuses diminuent ou cessent complètement la course à pied pendant la grossesse (bien que la course ne soit pas contre-indiquée si la femme était déjà coureuse et que la grossesse est sans complication). La sédentarité ou la réduction du niveau d’activité physique durant la grossesse produit donc une certaine diminution des capacités mécaniques, musculaires et cardio-vasculaires et affectera la remise en forme après l’accouchement. Il faudra donc se donner du temps pour regagner la condition physique d’avant!
Malheureusement, aucune évidence scientifique n’existe à ce jour pour déterminer avec exactitude à quel moment précis la nouvelle maman peut reprendre la course à pied SANS RISQUE en période post-natale. Toutefois, en mars 2019, trois experts internationaux dans le domaine de la course à pied et de la santé pelvienne, en collaboration avec de nombreux professionnels de la santé, ont publié des recommandations basées sur les meilleures données probantes disponibles à ce jour12. Ces recommandations permettent de guider la pratique des professionnels de la santé possédant l’expertise, les connaissances et l’expérience clinique requises pour accompagner les nouvelles mamans désireuses de débuter ou de reprendre la course à pied après leur accouchement, qu’il ait été vaginal ou par césarienne, tout en prenant en considération les objectifs et la réalité quotidienne de chacune.
Les experts s’entendent également sur un point très important : pas de course avant 3 mois et sans avoir fait assurément une rééducation abdomino-pelvienne supervisée. Pourquoi?
Sur la base de ces recommandations d’experts, nous avons élaboré une évaluation spécifique des prérequis pour un retour à la course à pied en période post-natale. Cette évaluation inclut tous les aspects suivant:
Les résultats de cette évaluation des pré-requis ne représentent nullement une barrière absolue à la reprise de la course. Ce qu’il faut en comprendre notamment, c’est qu’un déficit de l’un ou l’autre des différents muscles-clés évalués pourrait entraîner une modification du patron de couse et diminuer l’absorption des impacts par vos membres inférieurs et augmenter l’impact sur la région pelvienne. Il a été démontré qu’en course à pied, à une vitesse moyenne de 11 km/heure, il se produit une force de réaction du sol entre 1,6 et 2,5x le poids du corps14. Ce type d’évaluation permettra donc de mettre en évidence les différentes lacunes à travailler et orienter ainsi la prescription d’exercices afin d’optimiser la préparation pour le retour à la course.
Il importe également de prendre en considération l’intégralité de la nouvelle maman dans l’évaluation et la préparation pour son retour à la course à pied.
Les dommages aux muscles du plancher pelvien étant un peu plus importants, il y a donc risque accru d’une plus grande faiblesse.
Importance d’avoir une alimentation saine et variée et notamment de consommer suffisamment de protéines pour la récupération musculaire.
La dépression post-natale touche 28% des nouvelles mamans (Camacho et al, 2018).
Pas de course avant 3 mois. Et il est faux de croire que toutes les mamans pourront reprendre la course à 3 mois post-accouchement. Chaque maman est différente, chaque corps est différent, chaque accouchement est différent, chaque vécu est différent et chaque réalité avec bébé est différente! Il n’y a pas de recette-miracle applicable à l’ensemble des nouvelles mamans.
Une évaluation rigoureuse et individualisée en rééducation périnéale et pelvienne pour toutes les mamans, afin d’identifier ou de traiter une dysfonction des muscles du plancher pelvien, la présence ou le risque d’un prolapsus, des douleurs lors des rapports sexuels, une diastase, des douleurs (lombo-pelviennes, au coccyx, à la symphyse pubienne), en tenant compte des spécificités de chaque maman dans son intégralité.
Les évidences scientifiques supportent une rééducation intensive et supervisée des muscles du plancher pelvien et des abdominaux profonds pour toutes les mamans, coureuse ou pas.
Pour les mamans coureuses, établir un plan approprié et individualisé ainsi qu’une préparation optimale pour un retour à la course, incluant des exercices ciblant les muscles-clés de la course à pied. Certaines pourront reprendre à 3 mois mais pour d’autres, ce sera 6 mois, 9 mois, 12 mois et parfois davantage.
Éviter le trop tôt, trop vite, trop long…Plus on court rapidement et longtemps, plus la pression est importante sur le plancher pelvien. Quantifier adéquatement la course tout en considérant également les exigences des activités quotidiennes (debout longtemps, avec bébé dans les bras ou en portage, soins du bébé, soulèvement et transport de la coquille, activités avec l’aîné, etc.).
La présence ou l’apparition de pertes urinaires ou fécales (incluant un manque de contrôle des gaz intestinaux), des envies pressantes et soudaines d’uriner, une sensation de lourdeur ou de « présence » au niveau vaginal ou rectal, des douleurs abdominales, périnéales ou musculo-squelettiques, des douleurs lors des rapports sexuels, des difficultés à uriner ou à évacuer les selles devraient être considérés comme des signaux d’alerte importants, non-négligeables et indiquant la nécessité de cesser temporairement la course et de consulter en physiothérapie périnéale et pelvienne.
Bouger, assurément, et faire des choix judicieux! Votre plancher pelvien, c’est pour la vie! Apprenez à le protéger et à en prendre soin.
Forte de notre expertise de plus de 25 ans à accompagner et à guider non seulement des femmes athlètes de haut niveau (marathonienne, triathlètes, coureuses d’ultra-trail, entraîneuses de course à pied) mais aussi bon nombre de coureuses récréatives, en plus d’être nous-mêmes coureuses, notre équipe de physiothérapeutes qualifiées en rééducation périnéale et pelvienne se démarque par leur compétence, leur rigueur et leur engagement.
Notre équipe sera assurément un atout incontestable non seulement dans l’analyse et la compréhension de votre condition mais elle saura également vous accompagner et vous guider dans un encadrement personnalisé, compréhensif, respectueux et optimal dans l’atteinte de vos objectifs.
[:fr]1-Bo et Borgen, Prevalence of stress and urge urinary incontinence in elite athletes and controls, Med Sci Sports Exerc 2001; 33 :1797-1802 2- Jacome et al, Prevalence and impact of urinary incontinence among female athletes, Int J Gynaecol Obstet, 2011;114 :60-63 3-De Mattos Lourenzo et al, Urinary incontinence in female athletes : a systematic review, Int Urogynecol J, 2018. 4-Bo, K et Nygaard, E, Is physical activity good or bad for the female pelvic floor?A narrative review, Sports medicine, 2020; 50:471-484. 5-Teixera et al, Prevalence or urinary incontinence in female athletes : a systematic review with meta-analysis, Int Urogynecol J, 2018; 29(12):1717-1725. 6-Staer-Jensen et al, Postpartum recovery of levator hiatus and bladder neck mobility in relation to pregnancy, Obstet Gynecol, 2015;125:531-539 7-Dietz, HP et al, Diagnostic of levator avulsion injury: a comparison of three methods, Ultrasound Obstet Gynecol ,2012; 40: 693–698 8-Provenzano et al, Restriction in pelvis and trunk motion in postpartum runners compared with pre-pregnancy, Journal of Women’s Health Physical Therapy, 2019, volume on-line first. 9-Forner et al, Do women runners report more pelvic floor symptoms than women in CrossFit? A cross-sectional survey, International Urogynecology Journal, 2020; https://doi.org/10.1007/s00192-020-04531-x 10-. Comesana et al, Effect of myofascial induction therapy on post-c-section scars, more than one and a half years old, Pilot study, Journal of Bodywork and Movement Therapies, 2017; 21(1):197-204. 11-Ceydeli et al, Finding the best abdominal closure : an evidence-based review of the literature, Curr Surg, 2005; 62:220-225. 12-Goom et al, Returning to running postnatal: Guidelines for medical, health and fitness professionals managing this population, Mars 2019. 13-Leitner et al, Evaluation of pelvic floor muscle activity during running in continent and incontinent women: An exploratory study, Neurourol Urodynam, 2016; 9999:1-7. 14-Gottschall et al, Ground reaction forces during downhill and uphill running, Journal of Biomechanics, 2005; 38:445-452.[:]